LE REGIME D’EQUIVALENCE INSTITUE PAR LA CCN DU SPORT CENSURE PAR LA COUR DE CASSATION
La Cour de cassation s’est, pour la première fois à notre connaissance, prononcée sur la validité du régime d’équivalence institué par la CCN du sport, tel qu’il était appliqué avant la Loi du 8 août 2016.
Pour rappel, ce régime s’applique aux salariés réalisant des missions d'accompagnement et d'encadrement de groupe comprenant une présence nocturne obligatoire, ou aux salariés n’effectuant que des présences nocturnes.
Il permet, du fait des périodes d’inaction que comportent ces emplois, de ne pas comptabiliser toutes les heures de présence du salarié comme du temps de travail effectif.
Concrètement, un salarié accompagnant un groupe durant 13 heures et effectuant une nuitée de 11h sera rémunéré sur la base de 9h30 travaillées (dont 2h30 majorées de 25%) pour un temps de présence de 24 heures.
En l’espèce, une surveillante d’internat à qui il était appliqué ce régime, contestait son application devant les tribunaux.
Alors que la Cour d’appel de Dijon avait débouté la salariée de sa demande sur ce point et considéré que la validité du régime d'équivalence institué par la CCN du sport « n'est pas contestable et que l'intéressée a été remplie de ses droits en étant payée sur la base de trois heures par nuitée de présence », la Cour de cassation adopte une toute autre position.
En effet, la haute juridiction considère pour sa part que le régime d’équivalence mis en place par la CCN du sport n’était pas applicable, car non conforme à l’article L.3121-9 du code du travail, dans sa version antérieure à la loi du 8 août 2016, qui ne permettait d’instituer un régime d’équivalence par accord de branche que si les dispositions de cet accord étaient reprises par décret en Conseil d’état. Or, aucun décret n’a jamais été publié.
S’il est désormais acté que le régime d’équivalence prévu par la CCN du sport n’était pas applicable antérieur à la loi du 8 aout 2016, la question reste entière concernant son applicabilité depuis la promulgation de cette loi.
En effet, bien que cette loi ait supprimé la condition relative à la parution d’un décret, les dispositions de la CCN du sport relatives au régime d’équivalence n’ont quant à elles été étendues que sous réserve de la parution d’un décret. Ainsi, même si la loi ne prévoit plus cette exigence, l’application du texte conventionnel demeure conditionnée à la parution d’un décret en vertu de l’arrêté ayant étendu ce texte.
Face à cette incertitude, et même si cela aura une incidence certaine en termes de coût, il est conseillé de ne plus appliquer le régime d’équivalence prévu par la CCN du sport avant que les partenaires sociaux n’aient négocié un nouvel accord relatif au régime d’équivalence.
« Vu l'article L. 3121-9 du code du travail, dans sa rédaction applicable en la cause ;
Attendu, selon ce texte, qu'une durée du travail équivalente à la durée légale ne peut être instituée dans les professions et pour des emplois déterminés comportant des périodes d'inaction que par décret pris après conclusion d'une convention ou d'un accord de branche, ou par décret en Conseil d'Etat ;
Attendu que pour débouter la salariée de ses demandes au titre du travail de nuit, l'arrêt retient que l'article 5.3.3.4.1 de la convention collective du sport, relatif à la présence nocturne obligatoire, précise qu'à la demande de l'employeur, les salariés peuvent être amenés à effectuer de la présence nocturne ; celle-ci implique des périodes de travail mais également des temps d'inaction sur le lieu de travail et donne lieu à un régime d'équivalence rémunéré sur la base de 2 h 30 par nuitée effectuée de 11 heures maximum assorties d'une majoration de 25 % à l'exclusion de toute autre majoration, qu'aux termes de l'article 2 du contrat de travail, la salariée assurait notamment le service du dortoir du coucher au lever des élèves avec surveillance du comportement et contrôle de l'application du règlement intérieur, des consignes de sécurité, des règles de vie collective, qu'elle devait signaler les élèves blessés ou malades au responsable du sport de haut-niveau et au fonctionnaire de permanence, que la validité du régime d'équivalence institué par la convention collective applicable n'est pas contestable et que l'intéressée a été remplie de ses droits en étant payée sur la base de trois heures par nuitée de présence ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'aucun décret n'a instauré un régime d'équivalence dans le secteur du sport, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; »
Cass.Soc., 10 avril 2019, n°17-28.590